Où la beauté rencontre l’horreur
L’artiste chilien Guillermo Lorca est connu pour ses peintures à l’huile grand format, foisonnantes d’histoires (sur)réalistes et de scènes oniriques. Pas étonnant donc qu’il cite l’artiste français Gustave Doré (1832-1883) quand nous lui avons demandé qui ou ce qui l’a inspiré à se lancer dans l’art.
Comme Doré dont le talent a été découvert très tôt (dès 15 ans quand il illustrait la revue Pour Rire, soit deux ans après son arrivée a Paris), Guillermo Lorca avait 16 ans lorsqu’il commença son apprentissage auprès du peintre chilien Sergio Montero.
Le style de peinture de Lorca nous donne la sensation d’être sur un fil, à un point de basculement dans ses oeu-vres où la beauté rencontre l’horreur. Réalisme tranchant comme un rasoir côtoie de somptueux coups de pinceau de style baroque.
C’est un curieux mélange qui nous attire et nous dégoûte en même temps: magnifiques et repoussantes à la fois, ou terriblement sublimes, ses toiles nous font chavirer.
Interrogé dans une interview précédente sur son enfance, Lorca avait déclaré qu’il était très introverti et para-noïaque, qu’il pensait même que quelqu’un voulait le tuer:
«J’avais un étrange sentiment de mort, indéfinissable; l’impression d’être la proie de quelqu’un, toujours sur le qui-vive, avec cette anxiété qui me suivait tout le temps. Cependant, on apprend à vivre avec ce genre de senti-ment dans toute sa complexité, du coup je me suis exprimé à travers l’art. »
Avec la mort et ce réel énigmatique qui se déroulent comme un jeu d’ombres dans son esprit, Lorca nous em-mène sur ses montagnes russes visuelles.
Vent, feu, eau, terre… si ton oeuvre ou ta personnalité étaient un élément, lequel choisirais-tu?
L’eau. Les fluides en général sont présents dans mon travail;
en fait, je pense qu’ils m’obsèdent.
Y a-t-il une personne ou une situation particulière dont tu te souviens qui t’a incité à devenir artiste?
Enfant, j’avais un livre de contes de fées avec des illustrations de Gustave Doré, et ils m’influencent encore aujourd’hui.
Quoique c’était mon inspiration la plus importante, il y en avait d’autres – ma mère par exemple m’a beaucoup motivée, aussi loin que je me souvienne elle me montrait le travail de Rembrandt et d’Edvard Munch.
De plus, j’étais obsédé par le dessin de dinosaures.
Dirais-tu que tu es spirituel? Dans quelle mesure la spiritualité nourrit-elle ton travail?
Je pense que oui, du moins dans le sens de ce que nous appelons communément spirituel.
Toutes les peintures signifient quelque chose d’important pour moi; elles sont une sorte de journal intime de ma vie psychique, et cela donne un sens symbolique à ma vie.
lles prennent sûrement la place que la religion ne pourrait pas occu-per.
Esthétique et processus mis à part, quelle émotion souhaites-tu déclencher avec ton travail, et pour-quoi?
Peut-être quelque chose de similaire aux émotions des contes et mythes traditionnels, mais ce sont des senti-ments difficiles à décrire.
D’autres me viennent à l’esprit, comme la tendresse, la violence, la beauté, la peur et l’affectio. Elles m’intéressent toutes.
Que changerais-tu dans le marché de l’art?
Ce serait bien que la contemplation soit sur le devant de la scène, plutôt que toute l’euphorie ambiante, sans que celle-ci disparaisse pour autant.
Je pense que quelque chose de plus créatif pourrait être fait avec la manière dont l’espace est aménagé dans les foires.
Le pire selon moi, c’est que de nombreux acheteurs considèrent les œuvres comme des actifs financiers.
Espérons que cette attitude change au fil du temps, ce qui inciterait davantage à créer des œuvres profondes et authentiques plutôt que des marques.
L’avenir est ..?
Je pense que notre utilisation plus judicieuse de la technologie pourra contribuer a notre bonheur et non accroitre notre addiction
Nous parviendrons à un équilibre avec l’environnement, via nos modes de vie et de consomma-tion d’énergies plus durables.
Je ne sais pas quel sera le prix de cet apprentissage et de cette prise de conscience, mais j’espère que ce ne sera pas trop destructeur.
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Header: Guillermo Lorca, The girl in the peacock room, 2017, oil on canvas 75×140 cm
Author: Esther Harrison