MARCO MARIA ZANIN

La photographie de MARCO MARIA ZANIN

Marco Maria Zanin, credit: Maledetti Fotografi
Marco Maria Zanin, credit: Maledetti Fotografi

La photographie de Marco Maria Zanin est synonyme d’épure et de silence. Dans ses compositions dépouillées et minimalistes, seule compte l’essence de l’objet, son écho intérieur. Sublimé en sculpture sur un piédestal, l’outil de pêche devient un totem qui nous happe et porte toute notre attention sur lui seul: sa silhouette, ses contours, sa texture. 

L’aura qui s’en dégage est intrigante car elle nous projette à mi-chemin entre réel et rêve, dans un espace d’une beauté et d’une distance singulières. Cette ambiguïté est percutante. Elle interpelle nos sens parce qu’elle brouille les pistes et tisse des correspondences inédites à la manière d’un poème visuel.

C’est une ode au monde rural qui se ressent dans les jeux de clair-obscur, dans le grain du bois et les fissures de la pierre. Elle nous ramène au plus près de la terre, et donc de nous-mêmes.

Au fil de cette interview, Marco nous en dit plus sur son travail, ses projets et ce qui l’inspire.

Vent, feu, eau, terre… si ton oeuvre ou ta personnalité étaient un élément, lequel choisirais-tu?

Terre et Air. La Terre est au cœur de mon travail: chaque photographie reflète la sagesse du monde rural et montre comment les traditions rurales sont dotées d’un sens de l’équilibre qui est rare aujourd’hui.

Si seulement cette sensibilité rurale à la nature pouvait rééquilibrer notre relation avec la planète…

Air me rappelle la spiritualité, le caractère sacré et la philosophie. Les horizons culturels que je dépeins dans mes photographies sont liés à la terre et je voudrais qu’ils soient lus à l’aune de leur apparence spirituelle, sacrée et philosophique.

Y a -t-il une oeuvre d’art ou une situation, un individu ou un lieu particulier qui t’a inspiré et/ou motivé à devenir artiste?

J’ai étudié la philosophie et les relations internationales, pas l’art. Mon parcours professionnel a débuté de manière un peu informelle. Antonio Papisca, mon professeur quand je suis sorti diplômé de l’université de Padoue, m’a poussé à poursuivre des études artistiques et a joué un rôle clé dans la rédaction des déclarations internationales des droits de l’homme.

Tout au long de sa carrière, il aspirait à la chaire dite « Harmonia Mundi », un cursus dans lequel les sciences humaines pouvaient dialoguer avec les arts afin de proposer des stratégies de développement économique et social.

© Photograph by Marco Maria Zanin. 'Pesi' from Ritualia -Portugal- series (2016). Fine art print on cotton paper
© Photograph by Marco Maria Zanin. ‘Pesi’ from Ritualia -Portugal- series (2016). Fine art print on cotton paper

Dirais-tu que tu es spirituel? Dans quelle mesure la spiritualité nourrit-elle ton travail?

Oui, la spiritualité a toujours été importante pour moi: en grandissant, mon père m’a transmis l’essence d’une «recherche de la vérité», et cette idée de quête se manifeste dans mon travail lorsque je cherche ce qui est sacré dans la nature, ce qui est sacré dans les formes artisanales…

Cette sorte de «tension ascendante» est continue.

Je pense que cela rejoint la pensée de Pasolini selon laquelle la spiritualité absolue du monde rural est intégrale et constitue ainsi l’antidote au vide de la modernité.

Y a-t-il un type de musique, un livre ou un auteur qui te stimule?

J’aime la musique brésilienne. J’ai passé plusieurs années au Brésil et j’ai appris le portugais en traduisant les textes de Caetano Veloso, Gilberto Gil, Maria Bethania, Cartola et Paulinho da Viola.

Quand je vivais là-bas, la musique brésilienne m’a aidé à établir un lien avec la culture locale et son «flux de vie» distinctement ouvert, différent de la mentalité classique italienne profondément enracinée dans le passé.

La FAAP (Fundacao Armando Alvarez Penteado) de Sao Paulo a été ma première résidence d’artiste remportée avec mon projet écrit sur la chanson ‘Sampa’ de Caetano Veloso: j’ai traversé la ville en incarnant la figure du flâneur de Benjamin qui se transformait comme Caetano dans sa chanson. Cette résonance mutuelle fait écho à un dialogue entre la culture italienne et brésilienne que je maintiens depuis.

© 2019 Spazio Nuovo. Photograph by Marco Maria Zanin. ‘Mezzogiorno Locale Vero’ (2017) Fine art print on cotton paper
© 2019 Spazio Nuovo. Photograph by Marco Maria Zanin. ‘Mezzogiorno Locale Vero’ (2017) Fine art print on cotton paper

Peux-tu nous en dire plus sur la signification de l’environnement rural, des traditions et de l’artisanat dans tes séries ‘Sintomo’, ‘Natura Morta’ et les paysages de la Vénétie. Comment as-tu choisi d’exprimer cela?

Les objets que je photographie sont généralement des outils utilisés pour le travail rural ou d’autres types d’activités artisanales. Dans la série ‘Ferite / Feritoie’, les dessins des menuisiers deviennent des statues et des totems. Dans  ‘Ritualia’, les outils de pêche artisanale au large des côtes portugaises sont transformés en formes anthropomorphes.

Ces objets sont trop particuliers pour n’être que des appareils.

Je les ai débarrassés de toute référence à leur fonction en les réduisant à leur essence, leur valeur intrinsèque en tant que symboles et archétypes. Faits de restes, ils conservent une esthétique cachée qui les ramène à la vie.

© Photograph by Marco Maria Zanin. 'Agulhas' from Ritualia (Portugal) series. Fine art print on cotton paper
© Photograph by Marco Maria Zanin. ‘Agulhas’ from Ritualia (Portugal) series. Fine art print on cotton paper

Les débris de démolitions d’immeubles où vivaient les Italiens à Sao Paolo sont un clin d’œil au peintre Giorgio Morandi; et des emblèmes du renouveau des familles sacrées.

Le paysage de la Vénétie en Italie est le point de départ de tout ce qui est lié à la terre. Mes premiers sujets étaient les maisons rurales de ma région. Ils reflètent mon enquête sur la «terre».

J’utilise la photographie comme un outil pour revaloriser le paysage et aiguiser notre regard sur celui-ci.

© Photograph by Marco Maria Zanin. 'Padova 108' from Cattedrali Rurali (Rural Cathedral) series (2014). Silver gela-tin print.
© Photograph by Marco Maria Zanin. ‘Padova 108’ from Cattedrali Rurali (Rural Cathedral) series (2014). Silver gela-tin print.

Peux-tu nous dire quel est ton projet de travail en cours et quelle(s) exposition(s) tu as l’intention de voir prochainement?

Je viens de rentrer du Portugal où j’ai été invité à une résidence artistique inspirante appelée « Spring Encounters« . Tenu dans un petit village au nord de la frontière espagnole, ce projet associe l’art contemporain à l’anthropologie pour une étude stratégique des contextes ruraux.

J’ai eu de la chance. Le premier jour, j’ai rencontré dans le seul bar du pays un artisan qui fabriquait des masques et autres objets magnifiques, non à la vente, inspirés par les traditions locales mais absorbant les influences pop de magazines ou de télévisions.

Des pièces, y compris celles qu’il a données aux habitants de la ville, et il a tout photographié : il y a environ 200 objets que je voudrais utiliser comme base pour un grand polyptique.

En ce qui concerne mes propres projets, j’exposerai en septembre 2019 à l’UNSEEN et en novembre à Paris Photo dans la section Prisme, à la fois avec la galerie Spazio Nuovo de Rome.

ABOUT MARCO MARIA ZANIN

Marco Maria Zanin was born in Padua (Italy) in 1983.
He first took a degree in Literature and Philosophy, and then in International Relations, obtaining a Master’s degree in Psychology. At the same time he developed his artistic career, and travelled widely in different parts of the world, putting into practice the “displacement” so essential for a critical analysis of social contexts, and to fuel his research aimed at identifying the common spaces of the human community.
Myth and archetype as the submerged matrices of modern behaviour are the focus of his investigation, which is based on observation of the relationship between man, territory and time.
Lives and works between Padua and São Paulo, Brazil.

Check out his latest projects on his website.

Marco Maria Zanin est né à Padoue (Italie) en 1983.

D’abord diplômé en littérature et philosophie, puis en relations internationales, il obtient par la suite sa maîtrise en psychologie. Parallèlement, il développe sa carrière artistique et voyage beaucoup, mettant en pratique le «déplacement» essentiel pour une analyse critique des contextes sociaux, et pour alimenter ses recherches visant à identifier des espaces-clefs pour les communautés. Le mythe et l’archétype l’intéressent en tant que matrices de notre comportement, qu’il observe et étudie sous l’angle des liens unissant l’homme, le territoire et le temps.

Il vit et travaille entre Padoue et  São Paulo, Brésil.

Découvrez ses derniers projets sur son site Internet.

Header Photo: © 2019 Spazio Nuovo. Photograph by Marco Maria Zanin. ‘Natura Morta III’ (2015) from Lacuna e Equilibrio series. Fine art print on cotton paper

Author: Alexandra Etienne