Curated by Girls

Retrouvailles avec Curated by Girls

Laetitia Duveau, 2020 © Philippe Rocks
Laetitia Duveau, 2020 © Philippe Rocks

Coeur et art adore les histoires: nous avons donc naturellement voulu prendre de nouvelles de Curated by Girls (CBG) avec la fondatrice Laetitia Duveau qui, après trois années fructueuses et intenses à Berlin, a récemment déménagé à Sintra, petit village mystique près de la capitale portugaise. Au fil des trois dernières années, CBG est devenu une référence mondiale dans son soutien de talents émergents et d’artistes femmes ayant pour mission de célébrer et de promouvoir la diversité et l’égalité.

New Femininity Exhibition at Melkweg Amsterdam - photo by Francoise Bolechowski
New Femininity Exhibition at Melkweg Amsterdam – photo by Francoise Bolechowski

Aujourd’hui cette démarche est devenue nettement plus courante et acceptée, voire la norme, ce qui n’était pas le cas il y a seulement quelques années. Nous nous souvenons bien de la première grande exposition collective de CBG à Blender à Neukölln, Berlin, sans oublier notre première interview avec Laetitia -non seulement une force d’esprit, mais aussi quelqu’un de passionné et dévoué aux artistes avec lesquels elle travaille. Place aux retrouvailles avec Mademoiselle Duveau!

Laetitia Duveau, 2020 © Philippe Rocks
Laetitia Duveau, 2020 © Philippe Rocks

Retrouvailles avec Mademoiselle Duveau

Il s’est passé beaucoup de choses depuis notre première interview lorsque vous aviez fondé Curated by Girls et organisé sa première grande exposition collective. Rétrospectivement, qu’avez-vous appris et comment décririez-vous les trois dernières années qui se sont écoulées depuis?

Oui, trois ans déjà. Cela paraît longtemps et comme hier, tout à la fois. Qu’ai-je appris? Tout! De l’organisation d’une exposition à la gestion d’un site Internet… tout.
Petit à petit, je suis devenue plus confiante dans mon travail et appris à faire davantage confiance à mon instinct. J’avais peur de parler en public avant, mais maintenant je me sens plus à l’aise.
J’ai appris à dire ‘non’. Il est important d’éviter un sentiment de contrainte. Je ne peux pas plaire à tout le monde, mais ce n’est pas la fin du monde pour autant.

Chaque jour apporte son lot d’apprentissage. Je n’avais jamais prévu de devenir commissaire d’exposition et je remercie Berlin de m’avoir donné cette opportunité!

Avant, je ne réalisais pas à quel point l’on devait être ouvert – et à quel point l’on pouvait être ouvert – et prêt à saisir ce que la vie nous apporte naturellement.

Beaucoup d’artistes disent que de bonnes choses leur arrivent quand ils les attendent le moins. J’ai appris que la leçon importante est d’être ouvert à ce qui vous entoure.

C’est vous uniquement qui êtes le prisonnier de votre propre prison.

Ces trois dernières années ont été un travail acharné, tous les jours. J’étais principalement la seule en charge de CBG. Bien sûr, Berlin m’a apporté de superbes partenariats et depuis près d’un an maintenant, mon équipe s’agrandit avec des contributeurs à Londres et à Berlin. J’ai réuni ma petite famille, y compris ma sœur Igliona Duveau, ainsi que Florentine Schlueter & Soul Suleiman, toutes des filles incroyables avec un bon cœur et un bon esprit.

Pour moi, bien s’entourer est essentiel;

Je ne veux pas trop d’ego autour de moi – source d’angoisses et de conflit.

Travailler en équipe est sacrément inspirant et puissant. Et je prévois d’élargir encore mon équipe dans ma nouvelle maison près de Lisbonne. Oui, j’ai déménagé. Un grand changement!

‘Berlin, la plus belle extravagance culturelle que l’on puisse imaginer greatest cultural extravaganza that one could imagine.’*

*David Bowie, Singer, 1970s

© Lolla Rossi
© Lolla Rossi

Quels sont tes sentiments à propos de Berlin? Je suis moi-même dans une relation d’amour et de haine constante avec cette ville; est-ce pareil pour toi?

Berlin est une bulle surprenante qui vit à son propre rythme. Sa richesse créative offre l’un des meilleurs niveaux de vie pour les artistes. Je suis éternellement reconnaissante et toujours reliée à cette ville. Berlin a littéralement changé ma vie.
Mais évidemment, le lieu de rêve et de perfection n’existe pas. Berlin est axée sur la fête et vous pouvez facilement vous retrouver dans la spirale de ces soirées sans rien véritablement créer.

Il est difficile de trouver un bon équilibre.

Mais j’ai pu organiser des expositions à Berlin sans argent, avec l’aide de gens formidables. C’est inestimable.

New Femininity - Blender Berlin
New Femininity exhibition, 2016 – Blender Berlin

Il y a réellement un sentiment de communauté à Berlin, comme nulle part ailleurs dans le monde. Lutter est une bonne chose quand elle vous aide à travailler plus dur pour quelque chose.

Et à Berlin, donner de l’ampleur à vos rêves est possible.

Mais après quatre ans, j’étais un peu fatiguée… surtout du ciel gris, de l’impolitesse allemande au bureau de poste, de la froideur de mes voisins.

Mais mes amis me manquent, les dépanneurs Späti, les grands espaces de Tempelhof et l’ambiance absolument unique.

On est chaud pour CBG ; la communauté CBG s’agrandit

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Curated by Girls a été à l’avant-garde en matière d’égalité des sexes, célébrant la féminité sous toutes ses formes et offrant une plate-forme pour l’art et les artistes qui n’en auraient pas nécessairement autrement. Il semble y avoir beaucoup plus d’acceptation ces jours-ci quand il s’agit de ne pas se fondre dans les stéréotypes. Que pensez-vous de cela maintenant par rapport à vos débuts?

CBG est devenue une communauté. Je suis frappée de voir que nous avons atteint 100 000 abonnés Instagram. Honnêtement, j’ai du mal à y croire. Je suis très reconnaissante envers tous ceux qui ont contribué, participé, apporté leur soutien, et naturellement tous les artistes!

Nous sommes une GRANDE communauté maintenant!

Et partout où j’ai présenté des émissions de groupe CBG, j’ai ressenti le même état d’esprit.

Il y a une ambiance très paisible et harmonieuse dans nos expositions, que ce soit à Berlin, Barcelone, Amsterdam.

© Venus Libido

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Mais en l’espace de trois ans, je ne pense pas que tant de choses aient évolué aujourd’hui; nous luttons toujours contre la discrimination fondée sur le sexe, les violations et la violence que subissent les femmes; nous luttons toujours pour l’égalité des droits et pour plus de diversité.

Nous vivons toujours dans une société dominée par les hommes qui dicte quand, qui, comment et quoi.

Ce sont de petits pas que nous faisons. Il y a encore beaucoup de travail à accomplir pour davantage de justice et d’acceptation dans notre société afin de construire un monde où les hommes et les femmes soient égaux en tous points.

On est en phase d’échauffement pour y aboutir!
Il est vrai que de plus en plus de plateformes promouvant l’égalité voient le jour, ce qui est formidable.

Le féminisme joue un rôle plus important que jamais dans la conversation culturelle.

OUI, c’est devenu une tendance.

Le message atteint plus de gens et tout le monde doit entendre parler des problèmes auxquels les femmes sont confrontées et de l’importance de l’inclusion.

Mais nous devons être conscients que de nombreuses entreprises utilisent le féminisme a des fins purement commerciaux.

Ici, c’est le manque de sincérité qui est le problème.

© Ashley Skinner

Les mots ne suffisent pas. Nous avons besoin d’action. Nous avons besoin de plus d’intégration au lieu de travail, de prises de decisions et de porte-paroles plus diversifiés dans le monde de l’art, dans les musées, dans les médias et les secteurs culturels. Invitez des femmes à la fête, soit, mais nettement quand elles y dansent aussi! Woop Woop!

Ashley Armitage
© Ashley Armitage

Equilibre à la Duveau

Parlons de toi. Y a-t-il une œuvre d’art, une personne ou une situation particulière qui t’a poussée à devenir artiste et compositrice?

Je suppose que j’avais toujours besoin d’un endroit pour échapper à la réalité et c’est bien la musique qui faisait vibrer mon cœur. J’ai commencé par la danse contemporaine et hip-hop à un niveau professionnel, mais j’ai réalisé que l’atmosphère dans les groupes de danse n’était pas ce que je recherchais: trop compétitive et pas vraiment l’équipe telle que l’on l’imaginerait. Donc pour moi, il était clair de passer à la musique, ce qui m’a permis de créer n’importe quand, n’importe où.

Tout ce que je voulais, c’était m’exprimer.

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Laetitia Duveau © Philippe Rocks

Je me suis procurée une guitare, j’ai rapidement appris trois accords et j’ai écrit mes premières chansons. Ne le dis à personne mais j’étais fan d’Avril Lavigne, je lui ressemblais un peu…
À 18 ans, j’ai été engagée chez Universal en tant que jeune talent. C’était un rêve devenu réalité, mais tout est devenu fou avec mon manager, un menteur manipulateur et abusif. Si j’avais su à quel point l’activité musicale serait difficile, je pense que j’aurais choisi une autre carrière.

Ha ha! Pas de regrets. La vie a de quoi nous apprendre.

Which of these elements (space, air, fire, water, earth) would you choose about yourself, and why?

Vent, feu, eau, terre… si ton oeuvre ou ta personnalité étaient un élément, lequel choisirais-tu?
Est-ce lié à l’astrologie? Je n’en sais pas grand-chose mais je suis assez intuitive. Je suppose que l’air me représente le mieux. J’ai la tête dans les nuages. Par exemple, j’ai un permis de conduire mais je refuse de conduire – quand je rêve, je suis un danger sur la route. Mon signe est Gémeaux, ce qui explique tous les contrastes en moi. Je suis très timide mais il m’arrive de me déchaîner. Et mon signe ascendant est le Scorpion… oh la la! Je peux être extrêmement concentrée et organisée mais je suis aussi une artiste, et ce n’est pas simple d’expliquer mon style ou pourquoi je fais telle ou telle chose.

Un peu comme si j’étais un courant d’air, je vais là où l’inspiration me mène.

Très aérienne, je suppose. Mais ce n’est peut-être pas seulement ça, c’est un tout. C’est l’harmonie. La meilleure recette serait l’équilibre parfait entre ces cinq éléments que tu mentionnes là.

Laetitia Duveau © Philippe Rocks
Laetitia Duveau © Philippe Rocks

Dirais-tu que tu es spirituelle? Dans quelle mesure la spiritualité nourrit-elle ton travail?

Je ne me suis jamais vraiment posé cette question mais je ne suis définitivement PAS “non-spirituelle”.
Je n’ai pas beaucoup de temps pour penser à mon propre état, c’est sûr. J’y mets beaucoup du mien quand je donne aux autres. C’est primordial pour moi.
Et je crois aux énergies! Je suis très sensible aux vibrations d’une pièce et aux ondes particulières que les gens libèrent. Je ressens immédiatement les gens, et cela m’aide à éviter les personnes toxiques.

Du moins je l’espère.

J’adore les poèmes, les citations, les mots, les paroles… ils peuvent être magiques et sont totalement présents dans mon monde. Je suis peut-être spirituelle mais je ne suis pas religieuse. Ma seule ‘religion’ pour ainsi dire est L’HUMOUR. Je ne peux pas vivre sans blagues et sans rire.

Une existence n’a aucun sens pour moi si elle est 100% sérieuse, sans une once de légèreté et d’humour.

© Núria Estremera
© Núria Estremera

Y a-t-il un livre, article ou auteur qui te stimule ou t’inspire?

J’aimerais avoir plus de temps pour les livres.

Ils sentent si bon!

J’adore l’auteure de bandes dessinées Liv Strömquist: elle écrit sur des sujets tabous, les menstruations et l’image de la vulve dans la société.

© Sara Lorusso
© Sara Lorusso

Je suis aussi un grand fan de Krishnamurti, et je lis de temps en temps The Power of Now d’Eckart Tolle, que je trouve très stimulant. Mais comme je l’ai dit, j’ai besoin de plus de temps. Savoir être pleinement dans le présent, ici et maintenant, voilà la prochaine étape pour moi, je pense. Il faut que je déconnecte plus souvent.

Je viens de faire une cure de deux mois sans mon compte Instagram personnel pour éviter l’épuisement professionnel.

Ça faisait du bien, et pendant ce temps j’en ai profite pour lire ‘On ne nait pas soumise, on le devient’, de l’auteure française Manon Garcia. Son premier livre, très intéressant… dans le style ‘Simone de Beauvoir’.

Olá Sintra!

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Tu as récemment déménagé au Portugal. Parle-nous de ta nouvelle situation dans ce lieu et ce qui t’attend dans ton univers.

Déménager au Portugal a été un grand pas et certainement pas facile. Il a fallu près d’un an pour enfin m’installer à Sintra, ce qui était complètement inattendu!

Je visais un appartement dans la ville de Lisbonne, et je me suis retrouvée dans une petite maison dans un village de conte de fées!

Comme la vie peut être bizarre? Ahaha! Mais c’est la magie de la vie, avec toutes ses surprises et ses rebondissements, il suffit juste d’être assez ouvert à son environnement. Je suis très heureuse d’avoir fait ce pas. J’adore vivre ici, la nature, les gens, les produits locaux. C’est beaucoup plus simple et moins sophistiqué! Je suis isolée dans mon petit village mystique mais toujours très connectée au monde!

Comme c’est fantastique! ET INSPIRANT!

Des projets passionnants avec CBG en perspective…

Et je finalise quelques nouvelles chansons avec mon projet musical free free dom dom.

Restez à l’écoute!

Self Portrait © Laetitia Duveau

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Author: Esther Harrison

Traduction: Alexandra Etienne